Bulldozers contre jardiniers
Sans aucune concertation avec les riverains et le quartier, la Mairie envoie un bulldozer détruire un jardin partagé et plusieurs portions de murs à pêches protégés. Elle procède également à la viabilisation dans cet espace protégé de parcelles qu'elle a elle même classées en zone agricole, ignorant ainsi son propre plan local d'urbanisme.
Il y a encore quelques mois, la rue Nungesser abritait un petit jardin partagé sur lequel se réunissaient une dizaine de familles. Une terre patiemment travaillée depuis plus de huit ans qui offrait aux riverains un peu de camapgne en ville. Depuis l'été 2022, il n'en subsiste plus aucune trace et les légumes, les fleurs et aromatiques ont cédé la place à une ouverture béante vers un terrain sur lequel se sont installées des populations précaires.
Face au monticule de gravats laissés par un engin de chantier, Armand ne peut cacher son émotion. Sous ses yeux, ce sont des années d'investissement bénévole réduites à néant. Pire, pour ce membre actif de l'association qui gérait les lieux, la manière dont la municipalité à procédé relève du coup de force. Et le jardinier de déplorer : "il n'y a eu aucune concertation, aucune consultation, pas même un permis de démolir affiché sur les lieux comme la loi l'exige".
Pourtant, le Petit Jardin avait déjà été sauvé une première fois. Alors que leur terrain se trouvait sur le tracé du Sentier de la diversité, un projet écologique porté par la ville de Montreuil, les jardiniers avaient obtenu un léger déplacement de leur parcelle. Un concession accordée bien volontier au regard de l'enjeu environemental du projet, auquel leur association adhérait naturellement.
Cependant quelques mois plus tard, le Sentier de la diversité s'efface devant la volonté de la ville de trouver un espace pour accueillir des familles rom en errance. "Des populations qu'il faut bien sûr loger" reconnaît Pascal Mage, de l'association Murs a pêches. "Mais pas cependant dans un espace protégé et sur une parcelle classée en zone agricole sur le Plu" poursuit le militant associatif. Car les jardiniers comme ceux qui défendent les murs dénnoncent des travaux de viabilisation en cours sur ces parcelles, incompatibles avec leur classement au Plu. Pour eux, il s'agit d'un précédent qui pourrait remettre en cause la protection dont bénéficient les lieux, au profit d'intérêts privés et d'opérations foncières.
Pour sa défense, la Mairie explique curieusement que le jardin n'a pas disparu, alors que les images tournées sur place par Montreuil invisible prouvent le contraire. Selon la ville, les structures en dur construites sur ces parcelles agricoles auraient une durée de vie de deux ans et seraient destinées à être démontées. Un argument qui ne convainc pas les riverains au regard de l'importance des travaux en cours. Or ces travaux seraient d'autant plus nécessaires que le nombre de familles à accueuillir augmente au cours du temps. Elles étaient initialement "quelques unes" puis une vingtaine pour un minimum de 150 individus selon l'association Première urgence, mandatée par l'Agence régionale de santé afin de recenser les besoins des nouveaux arrivants.
Par ailleurs il existe un autre motif d'inquiétude légitime sur le sort de ces parcelles. Car la ville possède déjà une aire d'accueuil en faveur des gens du voyage, sur laquelle de nombreuses places sont disponibles. Il semble cependant qu'elle ne soit pas susceptible d'héberger des familles rom dans la mesure ou ces dernières ne sont pas caravanières. Et c'est cependant en caravannes que la ville compte les loger sur les parcelles annexées. Il existerait des subventions spécifiques pour l'accueil des roms comme il en existe pour celui des gens du voyage. Pour la municipalité, la perspective de doubler ses gains serait sans doute une bonne raison de se dédire d'un Plu qu'elle a elle même edicté.