Dépollution EIF : Beaucoup de questions et peu de réponses
La Mairie organisait le 12 décembre dernier une réunion publique afin de rassurer les riverains sur l'opération de dépollution de l'ancienne usine EIF située en zone urbaine dans le haut-Montreuil. Face aux interrogations de l'assistance, bon nombre d'inconnues subsistent.
Cet automne la Mairie annonçait fièrement l'installation de la Maison Populaire sur le site de l'ancienne usine EIF. Un projet d'envergure, chiffré entre 10 et 12 millions, pour donner de l'air à l'une des plus importantes associations culturelles de Montreuil. Une opération séduisante qui a pour but de dynamiser l'offre culturelle dans le secteur, mais qui soulève cependant quelques interrogations.
Car le site de l'ancienne usine est fortement pollué et recèlerait selon certaines études plus de 15 tonnes de trichloréthylène dans son sous sol, ansi que d'autres solvants chlorés, particulièrement volatils qui sont notamment des cancérigènes avérés. Sous pression des associations des Murs à pêche, un premier projet remporté par une filiale de Bouygues pour la construction d'un hôtel et de logements avait été abandonné. L'Epfif, propriétaire de la parcelle, avait alors annoncé son intention de dépolluer grâce à une subvention de l'ademe afin de céder ultérieurement le terrain à la ville pour une nouvelle opération. Echaudés par le précédent de Wipelec à Romainville, les riverains s'étaient constitués en association pour obtenir des garanties en matière de santé public. Il s'agissait d'éviter que des polluants ne se retrouvent pas dans leurs habitations. Parallèment un collectif s'était chargé d'occuper l'usine afin de prévenir toute opération hâtive, ce jusqu'à leur expulsion discrètement orchestrée à l'été 2022.
Cependant lors de la réunion publique, la société Sarpi Remediation, le maître d'??uvre choisi par l'Epfif, a clairement reconnu qu'il n'était pas possible avant une phase de dépollution douce par venting de prédire quel seuil de polluants élilinés serait atteint. Une proportion qui évoluerait entre 80 et 95% mais qui laisserait quand même de grandes quantités de solvants non traités. Or ceci conditionne bien sûr la destination future de la parcelle. La Maison populaire acueille des enfants et selon Sarpi Remediation, il n'est pas possible actuellement d'affirmer qu'elle sera en mesure d'investir le lieu. La Mairie semble donc avoir communiqué dans le but d'éviter une opposition frontale à un projet immobilier comme ce fut le cas avec Bouygues.
Autre sujet d'inquiétude de la part des riverains, le dépollueur ne prévoit pas de rendre public en temps réel les mesures qu'il dit effectuer constamment en sortie de filtre pour s'assurer que les polluants captés par depression et venting ne se propagent pas dans le voisinage. Or sans contrôle en temps réel de la part des riverains, l'industriel reste donc juge et partie en cas d'incident. Idem pour la nappe phréatique, dont l'Epfif affirme dans un premier temps qu'elle est contenue dans une poche d'argile et qu'il n'existe pas de risque de propagation, avant de reconnaître plus tard que cette nappe est bien en connection avec le réseau hydrologique local et notamment un petit cours d'eau souterrain qui descend vers le sud-ouest du site directement dans les Murs à pêches. Mais dont la la pollution ne serait pas un problème pour l'Epfif car il existe déjà un arrété municipal rendant l'eau du secteur impropre à la consommation. On peut cependant se demander si le raisonnement tient dans le cadre d'une opération de dépollution.
On peut également s'interroger sur la transparence du dépollueur retenu. Sur son site, on remarque qu'il présente essentiellement des références pour de l'excavation et du traitement pour de gros sites industriels tels des raffineries. Interrogé par Montreuil Invisible, Sarpi Remediation indique qu'elle est également compétente pour du venting en milieu urbain mais refuse de donner clairement une référence en se retranchant derrière l'anonymat de ses clients.
Soucieuse de rassurer malgré tout les riverains, la Mairie annonce qu'elle financera la mission d'un "expert tiers de confiance" qui traitera les interrogations des résidents autour du site. Problème, celui-ci arrivera à quelques jours seulement du début des oéprations et ne pourra donc se pronnoncer sur le bien fondé des solutions retenues. Et face aux riverains qui demandaient un report des travaux, l'Epfif a clairement fait savoir que c'était hors de question. Une attitude pour le moins curieuse puisque l'établissement public reconnaît lui même qu'il est incapable de de cerner exactement la durée des travaux, comprise entre 18 et 24 mois.